Ο Άρης Κατωπόδης στην Le Monde!
Τον Μεγανησιώτη πολυτάλαντο νεαρό Άρη Κατωπόδη πολλοί τον αναγνωρίζουν ως τον έφηβο που έδινε παραστάσεις Καραγκιόζη τα καλοκαίρια στο νησί. Όμως ο Άρης μεγάλωσε κι εκτός από το θέατρο σκιών ασχολήθηκε και με πολλά άλλα πράγματα (όπως το θέατρο) ενώ φέτος διέπρεψε στις εξετάσεις και μάλλον θα είναι ένας νέος Αρχαιολόγος.
Η έγκριτη γαλλική εφημερίδα Le Monde ανακάλυψε το νέο μεγανησιωτόπουλο και το προέβαλε σε σχετικό ρεπορτάζ που αφορούσε τις σκέψεις και τα όνειρα ενός ταλαντούχου νέου στην Ελλάδα της βαθειάς κρίσης.
Δυστυχώς τα γαλλικά μου είναι ελάχιστα καλύτερα από τα κινέζικά μου, οπότε αδυνατώ να μεταφράσω το άρθρο (οι γαλλομαθείς ας βοηθήσουν), ωστόσο μαθαίνω ότι μάλλον θα γίνει αναδημοσίευση του άρθρου σε ελληνική εφημερίδα (Το Βήμα) λίαν συντόμως.
Άρη, συγχαρητήρια (καθώς και στον πατέρα σου, τον Φώντα, που σε στηρίζει τόσο) κι ευχόμαστε η επόμενη συνέντευξή σου σε ξένη εφημερίδα να αφορά, όχι την κρίση, μα το αντικείμενο των σπουδών σου, εν ολίγοις την Ελλάδα της επιτυχίας των νέων ανθρώπων, της γνώσης και του χαμόγελου, αυτής που αξίζει ο λαός μας.
Το άρθρο:
Yorgos Kekkis (à gauche) et Aris Katopodis, dans l’enceinte de leur lycée d’Argyroupolis, dans la banlieue d’Athènes, mercredi 24 juin.
Bien sûr que ce 23 juin devait être un jour crucial dans la vie d’Aris Katopodis. Bien sûr qu’il l’attendait avec impatience, conscient que tomberait, ce mardi-là, avec la publication de ses notes au concours de fin d’année de terminale, une sorte de sentence : ses chances d’admission à l’université de ses rêves. Mais il avait décidé de rester zen. Il avait travaillé depuis trois ans comme un forcené, consenti tous les sacrifices possibles, consacré à l’étude l’intégralité de son temps. Personne ne pourrait lui faire de reproches s’il venait à échouer.
La veille, son lycée de la municipalité d’Argyroupolis, dans la banlieue sud-est d’Athènes, avait organisé une petite fête réunissant les élèves de terminale, leurs parents et professeurs. On avait dressé un buffet dans la cour de l’école aux murs tagués, Aris avait joué du bouzouki avec des camarades, on avait même dansé.
Un instant de répit bienvenu dans la crise que traverse la Grèce et avant le compte à rebours précédant la publication, sur Internet, des résultats des 105 000 candidats à ces « panellinies » organisés dans tout le pays. En se quittant vers minuit, certains élèves s’étaient dits incapables de dormir avant l’heure fatidique. Mais lui, Aris, entendait faire la grasse matinée et se passer pour une fois de ce fameux réveil réglé toute l’année sur 6 heures du matin.
Cours privés
Et puis voilà que vers 9 heures, ce mardi, un bonhomme tout excité avait surgi dans sa chambre : « Bravo mon gars ! Bravo ! Tu es un champion ! Réveille-toi ! Ecoute-moi ! » Aris ouvrait à peine les yeux que son grand-père Christos, un plombier de 77 ans qui habite juste au-dessus de l’appartement dans lequel vit le jeune homme avec sa mère, s’asseyait sur le bord du lit et lui lisait ses notes d’examen, griffonnées sur un minuscule bout de papier : Grec ancien : 16,2. Latin : 14,1. Littérature grecque : 18. Histoire grecque : 19,6. Biologie : 19,1. Grec expression écrite : 18,1. « Où les as-tu trouvées ? », demandait le garçon. « J’ai appelé ton lycée et supplié tes profs de me les donner. Elles sont fantastiques ! Tu l’as, ton passeport pour l’université ! Si tu savais comme je suis fier de toi ! »
Aris s’était échappé des bras de son aïeul pour foncer au lycée où les résultats étaient affichés sur la vitre d’une classe. Il avait vite téléphoné à sa mère, son père, à des copains, accueilli les félicitations des professeurs, et puis tenté de penser sereinement à l’avenir. « Mon rêve, ce serait d’être historien et chercheur. Sinon, professeur dans un lycée, comme ma mère, qui est prof de grec. » Encore lui fallait-il être accepté dans le département d’histoire et d’archéologie d’Athènes, son premier choix dans les demandes d’universités qu’il allait formuler dans les jours à venir.
« Etre envoyé dans une université hors d’Athènes aurait un coût rédhibitoire pour ma famille. » D’où l’impérieuse nécessité de notes excellentes. Et son assiduité aux cours privés qu’il a suivis, depuis trois ans, en complément du lycée public. Une pratique quasi obligatoire en Grèce. Une tradition d’éducation parallèle, partie intégrante de la vie quotidienne des écoliers grecs depuis des décennies.
« De 7 h 30 à 14 h 30 j’allais au lycée, raconte-t-il. Et de 15 heures à 19 heures aux cours privés. A moins que ce ne soit de 18 heures à 21 h 30. Le reste du temps, j’étudiais. Avec une seule sortie détente le week-end. » Coût de ce tutorat extrascolaire, connu sous le nom de frontistiria : 390 euros par mois. Un poste de dépense énorme pour un salaire de fonctionnaire situé autour de 1 000 euros mensuels. « Mais ma mère n’a jamais rechigné, au contraire ! Il n’y a pas une famille grecque, dans le moindre petit village, qui ne partage ce rêve d’envoyer ses enfants à l’université, raconte-t-il. C’est une obsession et tout le monde sait qu’on n’a aucune chance sans cours complémentaire. Peu importe que cela débouche ou non sur un emploi. Le seul fait d’entrer à l’université, c’est l’assurance d’un statut social. »
Angoisse des résultats
Alexandra Striftompola, sa professeure de littérature et d’histoire, approuve, joyeuse et maternelle, en passant une main dans les cheveux de son élève. « Vous n’imaginez pas la pression qu’on met sur nos jeunes à qui on interdit l’insouciance et qui travaillent plus dur que dans n’importe quel autre pays d’Europe », dit-elle. « Le lycée n’est plus un lieu d’éducation mais un centre d’entraînement au concours. Les profs sont des coachs. C’est un système fou que la crise et la pauvreté rendent encore plus inéquitable. » D’autres professeurs arrivent, qui lancent des bravos chaleureux : « Bonne chance pour l’université Aris ! »
Arrive Yorgos Kekkis, 18 ans, qui rentre d’un entraînement sportif. « Ma mère n’a pas arrêté de m’appeler depuis ce matin, mon frère, des copains, des camarades de l’équipe de basket. Ils étaient tous inquiets ! Mais, d’après mes calculs, je serai admis à l’université du Pirée en économie, mon premier choix. Cela valait le coup de ne dormir que six ou sept heures par nuit ! » Il veut être basketteur professionnel ou travailler en entreprise, et a lui aussi misé à fond sur les cours privés. « L’enjeu est colossal et la crise complique tout. Mais les Grecs ont l’habitude d’affronter des soubresauts. »
A quelques kilomètres de là, dans une banlieue plus cossue, Nikos Skepariotis, directeur des cours privés Arithmo, qui préparent toute l’année une quarantaine d’élèves, vivait la même angoisse des résultats. « Le service public, en Grèce, a toujours rimé avec politisation et clientélisme ; il est miséreux et incapable de promouvoir l’égalité des chances. J’en ai une profonde aversion comme la plupart des Grecs. Ma façon d’être de gauche, c’est donc de proposer des cours en petits groupes, et le moins cher possible. »
Mais il ne se passe pas de mois sans que des parents brusquement licenciés, ou en grosse difficulté, ne viennent négocier les prix et le supplier de ne pas expulser leurs enfants de ses cours. Le prix mensuel a pourtant été divisé par deux, passant à 300 euros en moyenne. « Alors j’examine la situation de chacun et je me débrouille pour intégrer discrètement un élève de chômeurs dans un groupe déjà constitué. Je connais trop l’attachement viscéral des Grecs à l’entrée de leurs enfants à l’université pour ne pas comprendre la fièvre qui saisit les parents. »
C’est « le Saint Graal » ou « la version grecque du rêve américain », explique la sociologue Aliki Mouriki, du Centre national de la recherche sociale. Depuis les années 1960, l’université a symbolisé la mobilité sociale et des jeunes gens, issus de familles pauvres de la campagne, ont soudain pu faire de brillantes carrières de médecin, d’ingénieur civil ou d’architecte, ou encore d’avocat. Trois secteurs prestigieux, pris d’assaut, mais aujourd’hui affectés par des taux de chômage effrayants, sans que cela dissuade les candidats.
« Gâchis »
Le nombre de médecins dépasse les 60 000 et les voilà contraints à l’exil : plus de 3 500 sont actuellement en Allemagne, autant au Royaume-Uni : « Des milliers de docteurs dont les études ont été payées par l’Etat grec offrent leurs services à l’étranger. Quelle perte de capital humain ! » Les avocats sont en surnombre, des cabinets font faillite malgré une croissante judiciarisation de la société.
Quant aux ingénieurs civils, on les trouve au Danemark, à Singapour, en Arabie saoudite ou au Qatar. « Un gâchis ! », insiste la sociologue, indignée par cette inadéquation totale entre l’offre et la demande de qualifications. « Une idéologie rigide interdit d’aligner les études sur les besoins du marché du travail. Mais les étudiants qui ont tant travaillé paient le prix fort de cet aveuglement et leur chômage est structurel. » Le taux de demandeurs d’emploi a atteint 27,3 % de la population active en 2013 pour l’ensemble de la population, et 58,6 % pour les moins de 25 ans.
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« Le clientélisme continue de prévaloir à l’université ; la crise n’a pas servi d’opportunité pour redresser ses lacunes. Encore une occasion perdue », regrette Mme Mouriki. Plus de 200 000 jeunes ont déjà quitté la Grèce à cause de la crise. Comment les en blâmer, dit-elle ; comment les retenir ? Alors, à tous les jeunes de 17 ans qui, dès cette semaine, et malgré l’appel de l’été, se sont déjà rués sur des cours privés pour préparer leur prochaine année de terminale, elle suggère quelques pistes : ne vous engouffrez pas dans les filières traditionnelles mais pensez « latéralement » ; renouez avec l’esprit d’entrepreneur qui a longtemps caractérisé le peuple grec ; tournez-vous vers l’économie européenne ; misez sur l’export, l’agroalimentaire, l’e-commerce, le tourisme haut de gamme, les sources d’énergies renouvelables… « Rompez avec le conformisme de vos aînés, insiste-t-elle, la crise, pour vous qui êtes choyés, surprotégés par vos parents, devrait être l’occasion d’un envol. »
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